DE LA VILLE DE PARIS.
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comme ses vraiz ministres, ont longuement et heu­reusement régné.
"C'est la cause, Sire, pour laquelle nous n'entrons en discours particulier de beaucoup de matieres qui s'offrent à nous, estant enhardiz par ung zelle de l'honneur de Dieu et grande obeissance que vous debvons, de supplier en general Vostre Majesté d'avoir pitié et commisération de voz pauvres subjectz, en donnant ordre et refformation prompte, avant toute chose, aux corruptions, abbus et malversations cy dessus remonstrées ; lesquelles provocquent de plus en plus l'ire de Dieu sur nous; et de remettre voslre pauvre Peuple en quelque haleine et establissement, s'il y a moien, une bonne et seurre paix qui soit à l'honneur de Dieu et de l'Eglise catholicque, accrois­sement de Vostre Majesté et de vostre Estat, et au repoz de voz pauvres subjectz.
"Et pour y parvenir, vous, Sire, qui estes filz, successeur, heritier, et du sang de ce bon Roy sainct Loys, et qui luy vouliez estre immitateur de toutes ses vertueuses et sainttes aclions, nous supplions trés humblement Voslre Majesté, conserver et en­tretenir son intention et volunté, et prendre garde aux beaulx enseignemens qu'il donna à son Filz, estant au lict de mort. Lesquelz enseignemens ne voullons declairer en autres termes que ce bon et sainct Roy les a faictz et prononcez, ny adjouster aulcune chose du nostre; ains les vous representer selon qu'i les a dictz et profferez, et sont escriptz es registres au Tresor de voz Chartres et de vostre Chambre des Comptes, après quelques recomman­dations précédantes, disant les molz lesquelz, Sire, il vous plaira prendre et recevoir de bonne part :
n Oy voluntiers et devotement le service de saintte Eglise.
"Aye le cueur piteux et charitable aux pauvres gens, et les conforte et aide de tes biens.
"Faictz garder les bonnes loix et coustumes de ton Royaume.
"Ne prend poinct tailles ny aides de tes subjectz, si ur­gente necessité et evidente utilité ne le te faict faire, et pour juste cause, non pas voluntairement; car si tu faictz aultrement, tu ne seras pas reputé pour Roy, mais tu seras reputé pour Tiran.
"Garde sur toutes choses que aie sages conseillers et d'aage meur; et que les serviteurs soient prudens, gens secretz et paisibles; et que en autres choses ne soient ava-ritieux, ne facent ou dient villenye à aultruy; car comme dict Senesque :
Du bon renom des serviteurs,
Accroist le lotz et la gloire des seigneurs.
"S'il y en a aucuns rioteux, garde que incontinent tu les envoyé hors de ta maison, car ilz pourroient gaster les autres et y faire s[c]andal.
"Faictz et garde justice sur toutes choses, aux pauvres comme aux riches, aux estrangers comme aux privez, sans avoir acception de personnes : car Justice est celle par qui les Rois reignent.
"Ayes bons juges, baillifz et seneschaux; et leur com­mande que toy ny tes procureurs en tes faictz ne soient pas favorisez autrement que la raison le veult, plus que seroit ung autre'1'.»
"Esquelz préceptes est comprinse une partie de ce que vostre pauvre Peuple requiert et desire, et vous supplie trés humblement les garder, comme il s'asseure qu'en avez la volunté.
"Et s'il y en a aulcuns qui veullent y mettre em­peschement, ce que vostre Peuple ne peult croire, vous estant assisté du'conseil trés saige et trés pru­dent de la Roine voslre Mere, trés affectionnée au bien et advancement de vostre Estat, et de si grandz Princes, Seigneurs et Conseillers; mais encores, Sire, s'il y en avoit aulcun de sy mauvaise volonté, il vous plaise les esloigner de vous comme estans en­nemis de vostre Estat et Couronne, ensemble de vostre Peuple qui est uny par obeissance avec vous, duquel estes Pere et Pasteur.
"Et comme vous ave/, la domination sur voslre Peuple, aussy est Dieu vostre Supperieur et Domi­nateur; auquel debvez rendre compte de vostre charge.
"Et sçavez Irop mieulx, Sire, que le Prince qui levé et exige de son Peuple plus qu'il ne doibt, al­lienne et port la voluntté de ses subjectz : de laquelle deppend l'obbeissance qu'on luy donne.
O Le texte de ces Enseignemens que li Rois Loys Jisl a sonjil, lel qu'il est donné par le Registre, ne se rapporte à aucune des versions publiées jusqu'ici, soit d'après les sources latines, soit d'après les sources françaises, dans le lorné XX des Historiens de la France, aux pages 8, 9, 47, 5o et 458 (textes latins), et aux pages 26, 27, 79, 81, 84, 86, 3oo à 3o2 et 45g (textes français). — Les variantes de ces divers textes avec le nôtre sont tellement considérables qu'on ne peut que signaler ce fait sans tenter un travail de reconstitution qui ne serait d'ailleurs pas en place ici. •— On conserve aux Archives nationales trois Regislres cotés JJ 3o°, JJ 3ob et JJ 3i (Cartulaire de saint Louis, Regislrum Curia?), .qu'il parait vraisemblable d'identifier avec ccux que cite le rédacteur des Remonstrances; toutefois nous n'y avons rien trouvé qui concernât le texte ici publié.